Cet article a pour but de vous donner quelques clés pour décrypter vos rêves.
Les rêves ! quelle étrangeté ! De tous temps ils ont attiré l’attention et ils ont été compris comme des énigmes. On peut les comparer à des rébus : des images successives que l’on traduit en texte, pour donner un récit. Dans les sociétés antiques on les comprend comme des messages d’inspiration divine. Dans la Bible, un des personnages, Joseph, fait plusieurs rêves dont le plus connu est celui des vaches grasses, qui représentent des années de bonnes récoltes, et des vaches maigres, qui représentent des années de mauvaises récoltes. C’est un rêve prémonitoire.
Trois psychanalystes, entre autres, ont élaboré une théorie des rêves, Freud, Jung et Lacan.
Je m’inspire principalement de la théorie de Freud, la seule dont j’ai largement vérifié la validité. Lacan la reprend en l’enrichissant. Celle de Jung, je ne l’ai jamais reconnue cela ne veut pas dire qu’elle est fausse.
Accomplissement d’un désir
La premier postulat de Freud, c’est que le rêve est l’accomplissement d’un désir. Ajoutons un désir inavoué c’est pourquoi ce désir se manifeste sous la forme d’une énigme. Dans la journée vous avez ressenti une émotion, qui a réveillé une pulsion, un désir latent, endormi ou refoulé. Cette émotion contenue dans la journée s’est déchargée, sous la forme d’un rêve, pendant que vous dormez, et que votre vigilance est diminuée.
Mais attention ! Le surmoi veille, même pendant votre sommeil ! Il condamne ce désir, ou cette pulsion. Et ce désir s’exprime dans le rêve de manière détournée, selon des procédés que Freud a nommé déplacement et condensation. Que j’explique plus loin.
Le désir étant à différents degrés inavouables, l’esprit du rêveur le transforme jusqu’à le rendre incompréhensible. Ainsi le rêve permet de décharger ce que nous appellerions une émotion, mot que les psychanalystes ont remplacé par affect, sans violer ouvertement l’interdit qui pèse sur elle.
C’est pourquoi les rêves sont précieux, à condition de les interpréter, pour prendre conscience de nos pulsions et désirs non souhaités, ces désirs qui travaillent notre inconscient et se traduisent par du mal être, car ils sont l’objet d’un conflit intérieur.
L’objection, évidemment, ce sont les cauchemars. Comment un rêve où des faits ou des personnages effrayants apparaissent peuvent être l’expression d’un désir ? C’est que justement, dans le contenu du rêve, se manifeste ce conflit intérieur, entre un désir interdit, et le sur-moi de la personne, qui condamne ce désir et le refoule.
Pour mieux comprendre le fonctionnement du rêve, rien de mieux qu’un exemple.
Contenu manifeste
Soit ce rêve fait par un patient en psychanalyse. Dont je ne donne que quelques fragments, car je n’ai pu le noter que partiellement, n’ayant pas pu le faire dés qu’il m’a été raconté.
Au cours de ce rêve le rêveur mange un cou de poulet dans l’assiette qu’il tient devant lui, et l’apprête à le couper avec un couteau qu’il tient dans la main. Il est dans le cabinet de son psychanalyste, en même temps face à lui, comme patient, et devant lui plus bas, comme l’enfant qu’il a été avec son père.
Il ressent de la colère. Mais en le racontant il n’est pas sûr de se souvenir si c’est lui qui mange le cou de poulet ou si c’est le psychanalyste. Puis, dans le rêve, il se précipite vers la porte du cabinet du psychanalyste et comme elle est fermée, il frappe sur la porte à coups de poings, en appelant la bonne.
S’il existe une clé pour ce rêve, c’est bien le cou de poulet.
Je vous pose la question, que peut bien figurer le cou de poulet ? Pourquoi un cou de poulet ? Le rêve ne laisse rien au hasard, et si on ne peut pas répondre à une question telle que celle-ci, ce n’est pas qu’il n’y a pas de réponse mais plutôt qu’on ne l’a pas trouvée. Dans le cas que j’expose la réponse m’a paru évidente, grâce au contexte.
Contenu latent
…Le cou de poulet, par sa forme, figure le pénis. Ce rêve exprime le désir refoulé du patient de castrer le psychanalyste et en même temps, la crainte d’être castré par le psychanalyste.
Ce qui est représenté par le psychanalyste dans le rêve, par le biais du transfert : le personnage que le patient transfère sur le psychanalyste c’est son propre père. Ainsi la haine du père (dans les deux sens), et la rivalité, et en même temps la crainte, s’expriment dans le repas qui consiste en un cou de poulet.
A la fin du rêve, la tentative de fuite, mais que le patient s’interdit en même temps, exprime le désir d’arrêter la psychanalyse. Ou de fuir le psychanalyste.
Mais la « bonne », qui est-ce ? Ni dans le cabinet du psychanalyste, ni chez le patient il n’y a de « bonne ». Vous pouvez comprendre que par opposition au psychanalyste et au méchant père haï, il y a quelqu’un qui est bon, et qu’on appelle au secours, et qui est de sexe féminin. Cherchez bien ! Je ne vous donne pas la réponse.
Si l’on reprend la théorie de Freud, on retrouve deux désirs cachés : castrer le psychanalyste, arrêter la psychanalyse. Mais en même temps, la crainte d’être castré. Peut-être aurez-vous reconnu que c’est le complexe d’œdipe qui est mis en scène.
Déplacement ou métaphore
Continuons pour comprendre comment fonctionne la création des rêves. Les objets dans le rêve ont une signification symbolique. Le pénis est présent sous la forme d’un cou de poulet. La «bonne»du rêve prend la place d’un autre personnage dans la réalité. Freud appelle cette substitution un déplacement. Tandis que Lacan appelle cette substitution une métaphore. Le déplacement, ou la métaphore, est un des procédés par lesquels la censure du rêve rend incompréhensible le contenu latent du rêve. Et qui oblige à un travail d’interprétation.
Condensation ou métonymie
Le personnage du psychanalyste figure trois personnages en même temps : le patient, le psychanalyste, le père du patient. C’est le processus que Freud appelle condensation. Et Lacan ? il a vécu à l’époque du développement de la linguistique. Il a désigné ce processus du nom de métonymie, un terme technique des sciences de la langue.
Les anciens, eux croyaient que les rêves étaient des messages divinatoires : ils annonçaient l’avenir. Il en existe de nombreux exemples dans la littérature antique. Par exemple dans la Bible, les rêves interprétés par Joseph. La Bible nous apprend qu’il y avait aussi des spécialistes des rêves.
En réalité, personne n’est mieux à même d’interpréter ses rêves que le rêveur lui-même, à condition qu’il connaisse les processus de leur création. On risque cependant alors de découvrir des désirs refoulés que l’on préférerait ne pas connaître.
Traumdeutung. Freud : l’interprétation des rêves.
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez lire le livre de Freud : l’interprétation des rêves, Traumdeutung en allemand. C’est un livre volumineux, mais relativement accessible, et passionnant, évidemment si la psychanalyse vous intéresse, ou si vous voulez comprendre vos rêves.
Comprendre ses rêves c’est un moyen de mettre au jour les conflits intrapsychiques qui vous habitent et qui vous empêchent de vous épanouir, de vous diriger vers votre vrai désir, qui vous bloquent dans vos élans, de devenir soi,
c’est à dire un homme, ou une femme, qui a une direction, et qui y va.
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